François Piette

4 JUL 2005

Édito : sous la pluie ou sous le soleil, les routes craquent

Que se passe-t-il dans notre beau royaume ? À plus de 30 degrés, le bitume se soulève et au premier orage, les autoroutes se transforment en piscines olympiques. Sans parler des chantiers de réfection rendus indispensables par une construction faite, à l’époque, en brouette de farandole. Et notre argent ? Le budget d’entretien routier est, en Belgique, ridicule. Pourtant, l’État n’est pas avare en taxes et accises touchant les automobilistes, les sociétés de transport et les motocyclistes. Mais où va cet argent se demande-t-on souvent ? Et bien, dans le pot commun. Car, notre système fiscal est ainsi fait que la bonne dizaine de milliards qui entrent dans les caisses fiscales grâce aux motards et aux automobilistes servent pour une partie infime à l’entretien du réseau. Alors qu’il y a 40 ans, nous avions 10 à 20 ans d’avance, notre pays a pris un retard énorme sur son infrastructure routière. Car il n’y a pas que les explosions de bitume ou les égouts bouchés qui posent problème. Plus c’est moins cher, moins c’est plus solide Les marchés publics suivent une règle naïve chez nous : celui qui est le moins cher emporte le marché. Et la qualité du travail et des matériaux ? Certes, il y a un cahier des charges à respecter, mais les contrôles sont tellement rares qu’il n’est pas impossible de voir des entrepreneurs prendre certaines libertés pour coller au budget. Du coup, dix ans plus tard, tout est à refaire au double du prix initial. Voilà encore un bel exemple de gestion efficace et professionnelle. En plus, quand il s’agit de faire quelques réparations urgentes, on préfère le pansement définitivement provisoire au travail en profondeur. Sauf quand il est trop tard et qu’on doive bloquer une autoroute pendant des mois. Dès lors, rien d’étonnant de voir un viaduc bloqué pendant des heures provoquant des files monstrueuses autour de la capitale aux heures de pointe. Ou bien encore de voir une autoroute prête à accueillir les Championnats du monde de natation avec 20 km d’automobilistes immobilisés jusqu’à 7 heures : toute une horde de prisonniers encourageant les pompiers à pomper pour les libérer du piège dans lequel ils étaient tombés. Aléas de la nature Il est vrai que l’homme ne contrôle pas toujours les aléas de la météo et doit parfois faire face à des éléments déchaînés… Sauf que cela devient récurrent en Belgique et que dans d’autres pays, on voit que les routes tiennent le coup lors d’écarts de température ou de pluies diluviennes. Alors quoi ? La réponse se trouve peut-être dans l’organisation de notre administration et l’éparpillement des responsabilités concernant les transports, la mobilité et les travaux publics. Sans parler des gaspillages… Attention, on vire au poujadisme là, alors on se ressaisit et on se dit que peut-être il y a des choses plus urgentes à financer comme l’éducation, la santé, l’environnement, le réseau ferroviaire, la création d’un aéroport non bruyant, la scission de BHV et l’installation de douches. Alors, on s’incline et on se dit qu’un jour viendra… La sécurité Ceci ne nous empêche pas de penser que ce manque d’entretien et de cohérence peut avoir de fâcheuses conséquences. Une signalisation mal posée, peu claire, cassée ou ayant disparue ne peut être considérée comme un fait mineur. La sécurité de tous les usagers avec ou sans moteur passe tout à la fois par leur comportement que par la communication par signaux des dangers, obligations et difficultés. Or, des panneaux cachés par une végétation non fauchée ; des potelets cassés ne montrant plus le tracé de la route la nuit ; des glissières de sécurité pliées ou rouillées ; des nids de poule pouvant accueillir une douzaine d’œufs d’autruche ; des panneaux de priorité quasi invisibles ; des limitations de vitesses changeant tous les 200 m ; des lignes blanches effacées ; etc. provoqueront à coup sûr un accident un jour ou l’autre. © Olivier Duquesne Photo : sletch2003
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