François Piette

20 OKT 2006

Sous les flammes, le calme

Avec sa carapace de blindage d’1,5 tonne, cette Mercedes est capable de résister aux rafales de Kalachnikov, mais aussi aux explosifs et autres grenades. Nous avons pu l’essayer au cœur du quartier européen de Bruxelles, là où elle se vend le mieux…

Chez Mercedes, le programme « Guard » ne date pas d’hier. Il faut dire que cela fait un bail que les chefs d’états, diplomates et autres hommes d’affaires de grande envergure se trimbalent avec une étoile posée au bout du capot. Le premier modèle date de 1928, c’était une W08 460 Nürburg. Ensuite, ce fut la 770 K utilisée par l’empereur japonais Hirohito, qui est encore exposée au musée Mercedes d’Untertürkheim. Aujourd’hui, les riches amateurs de protection ont le choix entre la G 500, la E (320 CDI, 350 ou 500) et la S600 à empattement long. « E », « S » et « G » Bien entendu, vous nous connaissez, c’est avec la S600 que nous avions rendez-vous place du Sablon, à Bruxelles. Si la Classe E n’est disponible qu’en niveau de protection B4 (résistant aux armes de poing jusqu’au calibre 44 Magnum), la S600 (tout comme la G500) bénéficie d’un label B6-B7. En clair, il s’agit du niveau de protection le plus élevé disponible dans la gamme « Guard ». Mais à qui s’adressent ces voitures ? En Belgique, c’est clair : il s’agit des institutions internationales établies à Bruxelles. Aucun particulier n’a encore commandé une Mercedes blindée (du moins par l’usine) chez nous. Par contre, il y a un certain nombre de secteurs « chauds » sur la planète où les Mercedes « Guard » se vendent comme des petits pains. Les chiffres de vente sont top secret, mais on peut vous dire de source sure que le marché de l’Amérique Latine explose littéralement (sans mauvais jeu de mots). Les autres secteurs porteurs sont l’ex-Union Soviétique, le Proche Orient, l’Asie, le Moyen Orient et l’Afrique du Sud. Permis poids lourd Bref, les clients ne manquent pas. Mais que cherchent-ils ? A se protéger, pardi ! Et en toute discrétion, car les voitures issues du programme « Guard » ressemblent… à une Mercedes classique, rien de plus. Et pourtant, la S600 résiste aux rafales de fusil-mitrailleur et même aux explosifs et autres grenades. Le secret de cette résistance exceptionnelle vient de la conception. Les Mercedes « Guard » ne sont pas blindées après la production, elles sont construites sur une chaîne de production qui leur est dédiée, et tout est pensé dès le départ en fonction du blindage. Et quel blindage ! Il pèse 1,5 tonne, ce qui porte le poids de cette limousine à 4 tonnes. Oui, vous avez compris : il faut un permis poids lourd (catégorie C) pour la conduire… Et quel prix aussi : comptez environ 250.000 euros auxquels il faut ajouter le prix de la voiture. Cellule de survie Mais le moins que l’on puisse écrire, c’est que vous en avez pour votre argent. Car non seulement, la cellule de survie est quasiment inviolable (portes, toit, vitres, pare-brise, coffre, etc.), mais la S600 « Gard » dissimule encore d’autres dispositifs secrets. C’est le cas notamment du réservoir à carburant qui se colmate de lui-même s’il est perforé par une balle. Une caméra surveille ce qui se passe derrière le véhicule. Un système de commande pneumatique indépendant de l’électronique embarquée actionne les vitres. Dans l’habitacle, un boîtier d’alarme verrouille les portes et alerte le monde extérieur par messages visuels et sonores, alors qu’un intercom permet aux occupants de communiquer au dehors. Vous me direz : il suffit d’envoyer des fumigènes pour faire sortir tout le monde. Détrompez vous. Lorsque les sondes détectent de la fumée ou du gaz toxique, le dispositif de climatisation bloque automatiquement l’admission d’air extérieur. De plus, un cylindre à air comprimé embarqué crée une surpression dans l’habitacle qui empêche l’entrée des gaz. Bon, il ne reste plus qu’à mettre le feu via une bombe sous la voiture. Là encore, la parade existe : les soubassements blindés sont équipés de 12 gicleurs reliés à deux extincteurs. Il peuvent être déclenchés manuellement ou automatiquement, via des sondes thermiques. Bien entendu, les pneus sont équipés du système anti-crevaison « Pax » de Michelin. Chevaux à gogo De l’extérieur, seul un œil (très) averti fera la différence entre une S600 « Guard » et une S600 « classique ». Ce n’est qu’en ouvrant la porte que le déclic se fait : elle pèse plusieurs dizaines de kilos et les vitres sont aussi épaisses qu’une portière. A l’arrière, un système électrique permet une fermeture automatique sur les derniers millimètres, histoire de ne pas devoir claquer un tel mastodonte. On l’a dit, entièrement équipée, la voiture frôle les 4 tonnes. Mais Mercedes en a tenu compte. Entièrement construite à la main dans les ateliers de Sindelfingen, cette S600 « Guard » bénéficie d’une suspension pneumatique soutenue à l’arrière par des ressorts supplémentaires en acier. Les freins avant sont équipés d’étriers jumeaux et tous les systèmes de gestion électronique (ESP, calculateur de transmission, etc.) ont été reprogrammés en fonction du poids. Sous le capot, pas de changement. Il faut dire qu’avec ses 517 chevaux et ses 830 Nm, le V12 n’a pas trop de difficulté à s’acquitter des 4 tonnes. Par contre, attention au premier virage. Car on est tellement mis en confiance au volant de ce monstre, qu’on en oublierait presque l’inertie. Les vitesses de passage en courbe n’ont donc rien à voir avec celles d’une Classe S « normale ». Mais cela, les conducteurs de Mercedes « Guard » le savent bien puisqu’ils ont tous suivi une formation intensive, et gratuite en plus. Le contraire aurait été quelque peu mesquin…
Advertentie
Advertentie
Advertentie