François Piette

16 JUN 2004

Étrange animal

L’Ignis Sport est un drôle d’oiseau. Ce petit canari a un air de frimeur avec son allure et ses sièges Recaro. Directement inspirée du modèle de compétition, on doit l’avouer, cette voiture nous a fait peur sur le parking l’importateur.

Ce colibri des routes manque parfois de discrétion par ses couleurs. Non seulement le véhicule d’essai était jaune, mais en plus il arborait un éclair à la Starsky & Hutch, mais à l’envers et en gris-argent. Un look de tuning bâclé qui laissait perplexe. Heureusement, le trait argenté n’est pas d’origine. Donc, puisque le job consiste à essayer les voitures prêtées, allons-y. Avant de tourner le contact, le design n’est définitivement pas celui qu’on aime. Drôle d’idée marketing que de proposer une petite 3 portes avec pare-chocs body-buildés, élargisseurs d’aile, spoiler de toit, suspensions surbaissées, jantes alu blanches et compteurs blancs. Certes, Suzuki fait de bons scores dans le WRC Junior, mais fallait-il nous imposer cela ? Virevoltante On met le contact et on remarque d’emblée la musique du moteur. Bruyant, certes, mais pas agaçant. Le 1.5 litres essence de 100 chevaux a trouvé de la place sous le capot. Et tant mieux, car finalement, on a réussi à s’amuser au volant de l’Ignis Sport. Il faut bien sûr la conduire la rage au ventre et ne pas hésiter à la faire monter dans les tours pour lui faire prendre son envol. Mais elle aime bien ça et siffle de joie lors des volées de virages pris sur les chapeaux de roue. Grisant… D’autant que l’étagement de la boîte est prévu pour la conduite active. La suspension est évidemment élevée à la dure. Beaucoup plus ferme, elle colle la voiture au bitume mais n’absorbent que sommairement les irrégularités de nos routes. Le volant renvoie régulièrement des vibrations, des remous et des secousses envoyées par le train avant. Pas question de s’endormir, ici on pilote. Au quotidien Planifié, conçu et développé grâce au feedback des ingénieurs Suzuki spécialisés en voitures de course, notre passereau tente un pari impossible. En effet, l’Ignis Sport veut être une petite voiture aux sensations fortes, tout en restant pratique, fiable et facile à conduire. Bien que mutine, amusante et chipie, la petite Ignis Sport est évidemment plus limitée au quotidien. Déjà, les passagers doivent accepter les largesses sur le confort et la place pour laisser le plaisir au seul conducteur. Même si les sièges proposent un excellent maintien. Le coffre est évidemment restreint (164 litres) et la modularité du même acabit. On peut tout de même rabattre la banquette arrière pour atteindre 402 litres de capacité de chargement. Mais il sera difficile de partir en migration avec cette petite auto. Le bruit envoûtant pourrait aussi fatiguer les occupants, même s’il est moins énervant que d’autres petites sportives de la concurrence. Il faut aussi s’accommoder d’un tableau de bord et d’une console plutôt spartiates. Les plastiques sont typiques de Suzuki : pas terribles. Et on regrette toujours la présence de cet éclair argenté et aussi un peu les jantes blanches. Performances Cet étrange engin a subi des tests approfondis en tunnel aérodynamique dans le but de concevoir une forme qui réduise la résistance au vent. Le béquet arrière fixé sur le toit utilise la force du vent à haute vitesse pour stabiliser l’arrière de la voiture. Elle en a bien besoin vu son poids plume. D’autant qu’elle est plutôt explosive avec un passage de 0 à 100 km/h en 8,9 secondes. Elle atteint 185 km/h en vitesse de pointe. Autant le dire tout de suite, il faut vraiment avoir un brin d’inconscience pour la pousser à cette vitesse-là sur route ouverte, malgré d’excellents freins. On ne badine pas avec la décélération en sport automobile. La preuve sur cette Ignis avec les deux disques ventilés à l’avant et les disques pleins à l’arrière. Ce jeu accélération / freins mordants offre de réelles opportunités de mutinerie sur petites routes, mais, à la longue, elle ne pourra jamais faire le poids face à de vraies sportives. Néanmoins, la mécanique est soignée. Le bloc de 1490 cm³ essence à 4 cylindres en ligne est doté de 16 soupapes et d’un système d’injection de carburant multipoint à commande électronique. La distribution à programme variable (VVT), la modification de l’arbre à cames, le taux de compression accru grâce à un piston de conception nouvelle et un rendement à l’admission amélioré grâce à une tubulure fabriquée en résine high-tech offrent l’accélération rebondissante, la puissance de 80 kW (109 ch) et un couple élevé : 140 Nm à 4000 tr/min. Cela débouche aussi sur une consommation « raisonnable » de 6,9 litres au 100 km/h. Pas de réelle prise de bec avec le budget mensuel. Évocations sportives Le système d’échappement a un orifice long pour être plus efficace et réduire la pression. Il en résulte aussi un son riche, grave, plutôt sympa évoquant la compétition. Le souci sportif se retrouve aussi dans la transmission 5 vitesses calibrée pour offrir des rapports rapprochés de la seconde à la cinquième vitesse. Tout en permettant d’améliorer les réactions du moteur dans la plage des vitesses moyennes. Du côté de la direction, son effet de couple a été minimisé par l’arbre de transmission intermédiaire pour offrir une sensation de direction plus neutre et éviter les dérobades en accélération. La suspension a aussi subi son réglage sport. On sent bien la route avec la sensation d’adhérence grâce, notamment, au rabaissement du châssis, aux absorbeurs de vibrations et de ressorts dotés d’une force d’amortissement accrue. Les pneus épais 185/55R15 ont évidemment leur mot à dire. Sans oublier la tige haute performance fixée en dessous du moteur pour renforcer la rigidité en torsion du châssis. Qu’en penser ? Ce n’est pas en mettant un volant et un pommeau gainés de cuir avec en prime un siège rabattable que l’on fait une voiture pratique et confortable au quotidien. Et ce n’est pas en ajoutant des pare-chocs musculeux, des panneaux de carrosserie et des sièges Recaro que l’on fait une voiture de rallye. Pourtant, malgré les appréhensions et son look qui fait parfois ricaner, on arrive à s’amuser avec l’Ignis Sport. Mais c’est au prix de certaines concessions et d’un chèque de 12.999 euros. Heureusement que le gazouillis du moteur est bien contrôlé et chante comme un rossignol subtilement enroué. © Lionel Hermans
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