François Piette

20 JAN 2007

Roadster attitude

Yamaha a revisité l’an dernier sa Fazer 1000, la gratifiant au passage d’une version dénudée, la FZ1. La recette de base reste la même: un cœur de R1 dans un châssis de roadster, mais tous les ingrédients ont changé. Rien n’a été repris de sa devancière, hormis le concept.

Le quatre pattes de 998cc développe 150ch, pour un couple de 106Nm à 8000 tr/min, quelques chevaux en plus par rapport à l’ancienne version. La FZ1 arbore dorénavant un robuste cadre alu et un look beaucoup plus radical. Le design a été en effet travaillé jusque dans les moindres détails. Le guidon droit style dragbar surplombe un phare aux formes complexes et dynamiques, encadré de jolies pattes de fixation. Petit tableau de bord très lisible, compact et complet comme on les aime, réservoir sculpté, selle «sportive» surmontant un petit feu rouge bien intégré, complété d’un garde-boue qui ne garde pas la boue. Original pot biseauté et très ramassé, que personnellement nous aimons beaucoup. Le pneu arrière très massif de 190/50-17 satisfait aux canons de la mode, mais peut-être un peu moins à la maniabilité et à l’épaisseur de votre portefeuille… Revue de détails Notre exemplaire d’essai est recouvert d’un gris métal sévère qui ne met guère en valeur son côté agressif. Les couleurs vives lui conviennent mieux. Continuons à détailler la bête. Le cadre en alu est coulé. Il gagne près de 40% en poids sur le cadre acier de son aïeule, pour une rigidité quatre fois plus importante. Le procédé de coulage sous pression permet de faire varier l’épaisseur de l’alu, pour obtenir la rigidité désirée à un endroit précis, comme aux abords de la colonne de direction ou du pivot de bras oscillant. Le moteur suspendu, encadré par six points d’ancrage rigides, permet de garantir un niveau très élevé de rigidité verticale, gage d’un comportement dynamique optimal. Le châssis se complète d’un bras oscillant particulièrement long, produit suivant le même procédé technique de coulage. Le déplacement du moteur vers l’avant offre à la FZ1 une répartition de 51% du poids sur la roue antérieure. L’angle de chasse se réduit à 25° et l’empattement se limite à 1460mm. Toutes ces mensurations favorisent la maniabilité. La position de conduite du pilote est elle aussi revue, et induit une position plus sportive et plus dynamique. La fourche upsidedown de 43mm entièrement réglable (compression et détente) supporte deux disques de 320mm pincés par des étriers quatre pistons. Gênes de R1 Le moteur donne a la FZ1 tout son caractère. Son architecture reste similaire à celle des R1. Le quatre cylindres en ligne super carré dispose de cinq soupapes par cylindre, de l’injection et d’un double arbre. Vilebrequin, pistons, cylindres et culasse sont conservés de la R1. Pour délivrer plus de couple à moyen régime, il a subi un certain nombre de modifications, dont un volant moteur offrant 40% d’inertie en plus, une nouvelle génération du système EXUP, des rapports de cinquième et sixième modifiés et un taux de compression ramené à 11,5:1. Tout ça donne sur papier un roadster plutôt «couillu». Dans les faits, la prise en main reste conforme au savoir faire Yamaha, et rappelle son aînée. Il pleut (pour changer!), nos pas nous mènent d’abord en ville, nous montons gentiment les rapports. Facile La bête se meut sans effort et sans traîner. Easy ! pas besoin de se prendre la tête, la FZ1 se plie de bonne grâce à cet usage de «papy». Bémol tout de même: qu’elle est raide! Les suspensions réagissent sèchement aux nombreuses irrégularités du macadam «belgien». Pas très cool... La position de conduite est bonne, avec un guidon volontaire. Même à bas régime, la FZ1 «envoie». C’est relax, mais ça ne chôme pas. Le temps devient meilleur, la route se dégage, le rythme s’accélère. Ça commence à pousser velu: accélérations franches, accompagnées du grondement gratifiant du pot ramassé. Ça tire fort, sans jamais se départir de cette bonne éducation qui vous permet de garder tout «under control». Quel talent, ces japonais! De fait, une fois de plus, les qualités essentielles attendues d’un deux-roues se retrouvent: moteur puissant, châssis efficace et joueur, freinage au-dessus de toute critique… Trop facile ? En l’exploitant un peu plus, on en vient à regretter son caractère moteur un peu trop policé et à appeler de ses vœux un peu plus de violence, un peu moins de bonne éducation. La FZ1 s’est radicalisée par rapport à l’ancienne Fazer 1000. Elle est plus sportive, plus joueuse sans doute, et elle a gardé un moteur bien assez puissant, sans doute trop par les temps qui courent, mais en même temps un peu trop sage. Tant qu’à jouer les roadsters radicaux, Yamaha aurait pu se la jouer un peu plus extrême. Son moteur trop poli se serait mieux accommodé d’une moto un peu plus polyvalente, plus confortable, plus utilisable au jour le jour. Le rayon de braquage déprime, les suspensions réagissent vraiment trop sèchement, dommage parce que la position de conduite et la selle ne sont pas en cause. Le garde-boue arrière ne fait office que de porte-plaque: à la moindre ondée, les projections de la roue arrière vous repeignent de la tête aux pieds! La protection au vent, roadster oblige, est carrément inexistante. N’essayez même pas de vous abriter derrière le tableau de bord, les remous sont épouvantables. Tant mieux: vous ne chercherez pas le chrono trop longtemps. La carte «fonctionnalité» sera sans doute jouée par la FZ1-S, équipé d’une tête de fourche. A voir lors d’un prochain essai, mais pas sûr, puisque hormis la tête de fourche, rien ne différencie les deux versions. La Yamaha FZ1 tente, pour 10490€, de réunir le meilleur de deux mondes, sans y parvenir complètement. Trop sage face à des roadsters crapuleux, et trop peu adapté à un usage fonctionnel. L’art du compromis reste difficile… © Bruno Wouters
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