Une voiture de course pour la route ! Voilà un terme qui a été mis à toutes les sauces par mes confrères et, je dois bien le confesser, votre humble serviteur également. Mais ici, cela n’aura jamais été aussi vrai ! Car la monoplace que vous avez sous les yeux est immatriculée et peut librement circuler sur la voie publique ! Essai extrême ci-dessous !
Ne vous ruez surtout pas chez votre concessionnaire Ford le plus proche, car un seul exemplaire a vu le jour et il paraît tout à fait improbable qu’une série soit lancée… Dommage ? Pas vraiment, car il faut bien avouer que cet engin doit être un véritable calvaire sur la route ! Le rayon de braquage de pétrolier, la direction dure comme du bois, la visibilité arrière inexistante, le confort d’un trébuchet et un silence de fonctionnement digne d’un concert à Woodstock rendraient impossible l’usage au quotidien.
Avant d’en prendre les commandes, attardons-nous quelques temps sur l’engin… Pas de doute, il s’agit d’une vraie voiture de course, mais vaguement affublée d’éléments légaux (phares, feux, clignotants et frein à main électrique) pour répondre aux exigences d’une utilisation routière. Et honnêtement, ce n’est pas une vieille paire de lunette qui va transformer un loup en grand-mère !
La Formule Ford, en Grande-Bretagne, c’est l’école des champions : une formule qui permet aux talents de se manifester au volant d’une monoplace affûtée à faible coût. Ford, pour démontrer le potentiel de son petit trois cylindres EcoBoost, a remplacé le 4 cylindres 1.6 de la monoplace par cette unité Ecoboost. Trois cylindres, un litre de cylindrée, un gros turbo et, pour l’occasion, 205 chevaux au lieu des 125 à l’origine.
Détrompez-vous, si la lecture de la fiche technique ne peut vous empêcher de sourire gentiment. Car avec des trains roulants de compétition et une masse réduite sous les 500 kg, la Formula Ford Ecoboost a exécuté le 11ème meilleur temps absolu pour une voiture de route sur la redoutable boucle nord du Nürburgring, soit 7 minutes et 22 secondes, un meilleur temps que les Lamborghini, Pagani, Porsche Turbo…
Je dois avouer que je n’en mène pas large, avec mon mètre 88 et mes gros panards ! S’insérer dans le cockpit a tout d’une séance de gymnastique et une fois dedans, je me sens aussi à l’aise qu’une hippopotame dans une conserve. D’autant que mes petites chaussures prennent d’emblée les trois pédales. Au bout de contorsions pas croyables, j’arrive plus au moins à prendre mes marques. Harnais bouclé, casque serré, visière rabattue, moteur en route, il est temps de démarrer !
Boîte de compétition oblige, la transmission est séquentielle et changer de vitesses s’opère en tirant ou en poussant vigoureusement le petit levier. L’usage de la pédale d’embrayage est inutile, sauf pour démarrer… Et c’est là que, surpris par la dureté de la pédale et ma chaussure lamentablement coincée contre la pédale de frein, je cale devant tous mes confrères… Qui, soit dit au passage, firent de même lorsque leur tour fût venu !
Cette fois, je m’applique, la chose démarre en douceur et on est parti ! Première accélération : le trois cylindres se racle la gorge, pousse gentiment puis, d’un coup et d’un seul, explose brutalement en vociférant sa hargne ! Le turbo souffle le chaud et je me retrouve plaqué contre le fond du baquet sans trop comprendre ce qu’il m’arrive ! Deux neurones se connectent dans ma tête et je comprends qu’il est temps de passer au rapport suivant ! Damned, la folie se répète ! Et quel bruit : rauque, plein et hargneux au possible ! Oui, un trois cylindres, ça sait chanter !
Je saute sur le freins, me coince le pied au passage, tente de pointer le museau à la corde du virage et… Bon sang que c’est dur ! J’ai l’impression que la colonne est restée figée dans du ciment tellement c’est costaud ! Bon, ouf, le virage est passé, je peux remettre une louche. L’accélération, terrible, me recale dans le siège et brutalement, je tire le levier de vitesses. Si la force n’est pas avec vous, point de salut, le rapport ne passe pas !
Au bout des cinq tours convenus, épuisé, les bras endoloris et mes pieds recroquevillés, je rentre à la case départ. Et si ma tête et mon cœur aurait bien aimé quelques tours supplémentaires, mon corps, lui, est heureux d’en rester là. Quelle machine ! Ses performances sont directement liées à votre capacité physique à l’amener à ses limites. L’adhérence semble infinie, tant que vous avez suffisamment de force pour tourner le volant !
Ciel, quelle machine ! Brutale, exigeante, terriblement physique et sans doute pour toutes ces raisons, terriblement attachante ! Prolongement naturel du pilote, la Formula Ford est une machine d’exception qui animée par un minuscule trois cylindres, fait parler la poudre en reléguant les plus prestigieuses supercars au rayon des charrettes de supermarché !
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