François Piette

24 MAR 2005

Éditorial – Les Gendarmes et les motards

Alors comme ça la police de Namur-Dinant joue au Maréchal des Logis Chef Ludovic Cruchot en se cachant dans les buissons autour des Barrages de l’Eau d’heure mais aussi dans les vallées du Samson, de la Molignée et de la Haute-Meuse. Non pas à la recherche de nudistes, mais pour intercepter les motards. Mais que leur reproche-t-on ? D’être bruyants, d’être trop rapides et de couper les virages. Il est incontestable que les routes autour de Cerfontaine sont magnifiques. Je le sais bien, j’y teste régulièrement des voitures là-bas. Qu’ont-elles de si agréables ? Elles sont bien larges, hors agglomération, plus ou moins en bon état et surtout avec des virages très excitants. Ce sont surtout ces derniers qui attirent des hordes de motards avides de sensations et de plaisir. Sans forcément devoir se tordre le poignet droit. Faut-il le leur reprocher ? A priori non, la moto c’est avant tout pour se faire du bien. Maintenant, il faut rester humble. Une route ouverte reste une route ouverte et les alentours des barrages sont aussi appréciés par des usagers plus faibles : enfants, cyclistes et conducteurs du dimanche. Il convient dès lors de prendre son pied et de frotter son genou sans trop exagérer. Et apparemment, des cow-boys ont brisé le mythe des barrages. Avec leurs wheelings et leurs bécanes bruyantes, ils ont effrayé les riverains et les usagers de ces routes. Sans oublier, malheureusement, les 9 morts et la trentaine de blessés graves en 1 an aux abords des lacs. Du coup, les autorités veulent réagir. Et la police monte sur le terrain. Action - réaction Le communiqué de mercredi de la FEDEMOT montre cependant certaines incohérences dans le discours officiel… Ou du moins, un manque d’informations flagrant. En effet, l’association a noté que la police fédérale insiste sur « l’importance du nombre d’accidents de roulage impliquant les motards ainsi que les conséquences graves qui en découlent dans le sud de la province de Namur ». Pourtant, il semble bien que les statistiques prouvent que le pourcentage d’accidents impliquant une moto dans cette région est parfaitement égal à celui de l’ensemble de la Belgique. FEDEMOT continue dans son argumentation : « le reste des statistiques avancées est tout aussi bizarre. Sans pouvoir évaluer la cause première des accidents, entre autres parce que les formulaires utilisés pour récolter les données sont trop vagues (de l’aveu même de la personne expliquant ces chiffres), la vitesse est considérée comme la cause première. Or, toutes les études actuelles nous prouvent que les accidents impliquant une moto ont pour première cause la faute d’un autre usager (distraction, refus de priorité) ou des éléments indépendants de la volonté des conducteurs (mauvais état de la chaussée...). » De toutes façons, les autorités feraient bien de commencer par réparer les trous et nids de poule. Il paraît que les puits de la E411 à Overijse seront bouchés après le week-end pascal. Or, un week-end de Pâques, n’est-ce pas une merveilleuse opportunité de balade ? OK, mais alors, évitez la E411… En prime, fin 2004, j’ai failli sortir de la route, offusqué par le discours du Ministre Landuyt qui affirmait, sans rire, sur l’antenne de Bel RTL, que si « tout le monde respectait le code de la route, il n’y aurait plus d’accident ! ». Faux, Monsieur le Ministre, la seule réalité est la suivante : si plus personne ne roulait sur la route, alors il n’y aurait plus d’accident. Son objectif zéro n’est possible qu’en interdisant toute circulation routière. À quand un circuit Il ne faut pas pour autant jeter le code de la route à la poubelle. Il est utile de régler la circulation des véhicules motorisés ou non. C’est indispensable. De même, que la police effectue des contrôles, cela semble logique. On peut toujours pester sur les limitations de vitesse, mais cela fait partie du jeu. Qu’elle se cache dans les buissons à la manière d’une comédie française, c’est plus surréaliste. Qu’elle cible les motards en les accusant de tous les maux, c’est injuste. D’autant que cette réponse répressive ne fera que déplacer le problème. Les motards auront vite trouvé un nouvel espace de virolos sympas. Que faire ? Et bien proposer de vraies alternatives : des circuits. Notre territoire regroupe une densité incroyable de passionnés de belles mécaniques et de compétitions moteur – ce qu’on appelle en anglais des « petrol heads ». Pourtant, nos circuits sont peu accessibles aux amateurs. Zolder et Francorchamps sont rarement ouverts aux pilotes avides de sensations fortes. Il n’y a pas de mal à les laisser essentiellement aux compétitions, mais alors il faudrait installer 2 ou 3 endroits « libres » aux propriétaires de motos et de voitures sportives. Des « circuits » avec des horaires bien précis et un droit d’accès raisonnable où l’on pourrait tester sa monture de manière plus musclée. Un endroit où la sécurité sera assurée et où l’apprentissage de la conduite sera vraiment dynamique et interactif. Bref, des cousins du Nurburgring. Pourtant, ce dernier n’est pas nécessairement un exemple à suivre intégralement. Il est devenu d’ailleurs problématique car saturé et peu sécurisé. Tout perdre Circuit ou pas, la conduite sportive reste risquée. Les décès sur la Nordschleife de la piste allemande sont là pour l’attester. De plus, il y a aussi des règles à respecter sur circuit. Et pourtant, on remarque dans les kartings indoor que même un minimum de consignes c’est déjà trop pour certains frimeurs inconscients. Si les autorités décidaient un jour d’ouvrir un espace « vitesse » avec commissaires et rails – réellement – de sécurité, il faudra à tout prix éduquer ses utilisateurs. La partie publique du Nurburgring est d’ailleurs soumise à des règles du code de la route (dépassement par la gauche par exemple) et la police veille au grain. Cette célèbre boucle de 20 km n’est pas non plus un endroit sans danger. Car elle n’est pas vraiment équipée comme l’est un vrai circuit et tout le monde peut s’y défouler sans autre précaution préalable. La solution passe donc par la construction d’un véritable espace sécurisé accessible avec peu de contraintes si ce n’est un stage sur place pour l’obtention d’un « brevet » et d’un bref contrôle technique avant de monter sur la piste. Avec risque de retrait du brevet pour les tordus du moulinet. Alors, les routes redeviendront majoritairement des routes et les « gendarmes de l’Eau d’heure » retourneront traquer les vrais criminels. D’autant que la réaction policière n'est pas seulement motivée par un constat d'une hausse des accidents, mais aussi par des plaintes de riverain. Cela montre une fois de plus que notre société et les routes sont dominées par l'irrespect et l'intolérance. On veut bien partager la route mais pas avec ceux qui ne conduisent pas comme nous. Un paradoxe dont il sera difficile de sortir. © Olivier Duquesne PS : n'hésitez pas à déposer vos réactions dans les commentaires (voir ci-dessous). Photos : merci à Samy en pleine action dans la région des Barrages
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