Bruno Wouters

7 NOV 2008

Heavy Metal!

La marque anglaise l'avait joué subtilement lors de l'apparition de la Rocket III, clairement destinée à marcher sur les plates bandes des grosses Harley et de leurs clones japonais, en apportant des arguments tout à fait exclusifs. Un énorme moteur de 2300cc, le plus gros de la production si on excepte les folkloriques "Hoss Boss" à moteur V8, des performances en rapport, un original trois cylindres longitudinal se démarquant des éventuels V-twin, une double optique héritée de la célèbre SpeedTriple, un énorme pneu arrière de 240, trois sorties d'échappement: dans le genre, la Rocket ne manquait ni d'allure, ni d'originalité.

Le power cruiser dans toute sa splendeur! Mais les Harley, ce ne sont pas que les beaux customs, ce sont aussi les Electra Glide et autre Roadking. Et face à elles, la Rocket manquait d'arguments pratiques, laissant la place libre à la Touring. On reconnaît bien la silhouette de la Rocket III, amputée de ses attributs "power cruiser". Exit les deux phares de Speed qui laissent place à un classique optique rond de taille respectable. Exit aussi l'énorme gommard de 240, remplacé par un plus raisonnable 180. Adieu les trois sorties d'échappement, détrônées par deux gros tromblons horizontaux surmontés de valises rigides, attributs indispensables d'une Touring qui se respecte, ainsi d'ailleurs que le vaste pare-brise démontable sans outils.

Big is not big enough

Large repose-pieds, large selle agrémentée ici de supports lombaires forts agréables. Autres différences de taille, même si elles ne se voient pas, les performances du moteur, notablement assagies. La puissance se voit ramenée de 140 à 108ch et le couple ébouriffant de 200Nm atteint ici 209Nm à … 2.000 tr/min! Inutile de s'exciter sur le levier de vitesses avec de tels chiffres! On pourrait se sentir frustré d'une telle perte de puissance, et de fait, la Touring a perdu ce côté sauvage et délirant qui faisait tout le charme de la Rocket III. Mais ce choix délibéré, voulu et assumé par le staff de Triumph, trouve sa justification dans l'usage même de la Touring. Si l'une arrache les pavés et se mesure à tout ce qui ne possède que deux roues sur un 400 mètres, l'autre a pour ambition de vous emmener au travers du continent américain (ou un autre) dans les meilleurs conditions. Les 108ch suffisent alors bien à la tâche, avec tout l'agrément d'un moteur aussi coupleux.

Heavy metal

A l'arrêt, le bestiau impressionne. Dimensions imposantes, vraiment: 2,60m de large, 171 cm d'empattement, le moteur semble échapper d'une bagnole, tout paraît surdimensionné par rapport aux motos auxquelles la majorité d'entre nous est habituée. Une fois assis sur la large selle, ce sentiment ne disparaît pas. Dieu, que cette moto est imposante! Redresser la Touring de sa béquille nécessite un réel effort et les premiers tours de roues se veulent prudents. Avec les kilomètres vient une certaine assurance. Si le poids reste présent, l'agrément aux vitesses légales est réel. Le moteur enroule avec vigueur et sa puissance suffit en toutes occasions, propulsant la Touring d'un virage à l'autre d'une simple rotation de la poignée, avec bien plus de punch que ses concurrentes directes. La boîte peu utilisée, n'appelle aucune remarque, pas plus que l'embrayage, la transmission par arbre se fait complètement oublier, gage de réussite.

Road 66

Les kilomètres défilent agréablement, la Touring se révèle étonnamment agile par rapport à son gabarit, en n'oubliant pas les limites de la physique: le poids reste présent, la garde au sol limitée aussi. Le freinage confié à trois disques réussit brillamment son examen et suffit à freiner les près de 400kg de la bête, avec un feeling et un mordant tout à fait satisfaisants. Autre point de satisfaction, le confort. Excellent position de conduite, selle large et confortable, agrémentée ici d'appuis lombaires judicieusement placés, suspensions alliant avec bonheur d'excellentes capacités d'absorption et un guidage précis de la machine. Seules les courbes prises à (très) grande vitesse dévoilent les limites de l'engin qui "saucissonne" doucement. Rien de grave, et dans un réel contre-emploi de la moto qui a été pensé pour cruiser, pas pour tracer.

Son prix, 18.990€, ne met pas la Triumph Rocket III Touring à la portée de toutes les bourses, mais ses concurrentes ne font guère mieux et l'anglaise apporte des arguments nouveaux dans la catégorie. Espérons que Triumph offre rapidement à son vaisseau amiral l'ABS qui lui fait actuellement défaut, d'autant que les belles de Milwaukee peuvent dorénavant en bénéficier, ce qui n'est que logique pour ces voyageuses au long cours. 

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