François Piette

23 NOV 2007

Vue sur ciel

Quel bonheur que de regarder, l’aiguille calée à 110 traçant la route à suivre, le paysage et le ciel défilant dans un éclat de chrome brisant la monotonie du macadam! C’est sans doute ça, la Fat Boy: rouler pour le plaisir, bercé par le ronronnement du plus célèbre V-Twin de la production.

La Fat Boy, apparue début des années 90 dans une très noble robe gris métal rehaussée de deux filets de jaune sur les culasses, a apporté un style dépouillé, essentiel, qui tranchait dans la famille américaine. Dépouillé, mais impressionnant, avec ses lourds garde-boue privés de chrome, ses roues pleines et ses deux échappements parallèles. En vieillissant, la Fat Boy s’est un peu alourdie, chargée de chromes inutiles, parée de robes colorées plus ou moins heureuses, mais est restée plus radicale que ses sœurs. More and more La Fat Boy 2007 bénéficie cette année, comme toute la gamme Harley-Davidson, de substantielles évolutions mécaniques. Ce bloc pèse dorénavant 1584cc, 134cc de plus que le bloc 88 de 1450cc qui lui-même remplaçait en 1999 le 1340. Les différences ne s’arrêtent pas à la cylindrée, puisque qu’à part le haut moteur, presque toutes les pièces ont été renouvelées. La boîte se pare d’un 6ème rapport, qui tient plutôt de l’overdrive, puisqu’il n’a pour but que de faire tomber le régime. Le moindre ralentissement nécessitera de redescendre en 5ème, le passage en 6ème s’accompagne d’ailleurs d’un témoin "6" au tableau de bord. Autre innovation apportée par le bloc 96, l’intégration d’une valve à échappement, réservée au marché européen. Aux normes Le but principal était de réduire les émissions sonores et polluantes à des régimes donnés, permettant de les aligner sur les normes en vigueur, tout en offrant au Big Twin la possibilité de s’exprimer plus librement quand le besoin s'en fait sentir… Et ça marche! Notre modèle d’essai, strictement de série, ne nous a jamais fait regretter l’absence de pots libérés. Il nous a par contre paru un peu pauvre en vibrations, fortement atténuées sur la Fat Boy comme d’ailleurs sur toutes les Softails qui partagent la variante 96B du nouveau bloc. Ce 96B, contrairement au 96, monté par exemple dans les cadres de la famille Touring, sont pourvus d’arbres d’équilibrage absorbant 90% des vibrations primaires du moteur. Ces arbres d’équilibrage permettent de monter le moteur rigide dans le cadre, alors que le 96 est monté sur silentblocs. Deux manières d’arriver à réduire les légendaires vibrations du célèbre V-Twin, mais deux résultats différents et notre préférence va sans conteste au bloc 96 dépourvu d’arbres d’équilibrage, mais monté souple dans le cadre. Le caractère est plus présent, sans jamais devenir gênant. Are you big enough? La prise en main d’une grosse Harley déroute toujours un peu, la Fat Boy ne fait pas exception à la règle. La selle, confortable et très basse, paraît bien loin du guidon et des impressionnants repose-pieds jetés très en avant. Tout est grand sur cette moto! Nous avons déjà parlé de cet énorme phare chromé dans lequel se reflète le paysage. Les mains se tendent vers un guidon renfoncé, deux fois plus épais que la normale, les genoux enserrent le réservoir caractéristique de la marque, surmonté d’un unique compteur, la selle se prolonge sur un énorme garde boue en tôle recouvrant un pneu arrière de 200 de large. L’épais carter latéral gauche rejette le pied vers l’extérieur. La bête en impose, et Harley a le talent de réussir des motos magnifiques, cohérentes dans leur démesure. Clac! Un coup sur le démarreur et le bloc s’ébroue immédiatement dans un claquement sonore. Le poids de la moto, bien présent quand il s’agit de la redresser de sa béquille ou de la manœuvrer à l’arrêt, s’évanouit immédiatement une fois en mouvement, et la Fat Boy fait preuve d’un bel équilibre, rassurant de facto son pilote. Le cadre Softail donne l’apparence des anciens cadres rigides, mais intègre ses amortisseurs sous le moteur. Au début, on craint le pire, mais à l’usage la Fat Boy se dévoile beaucoup plus confortable qu’attendu, et pour tout dire, beaucoup plus confortable que pas mal de motos, la seule limite venant de la pression du vent sur le torse, comme sur une Naked basique. Le moteur, mieux rempli avec sa poignée de cc complémentaires, offre un réel plaisir. Acceptant de repartir assez bas dans les tours, sans jamais s’essouffler, il propulse la masse de la moto avec l’aisance qui lui sied, tout en étant capable de la mener à 180 km/h. Ne vous fiez pas aux apparences Ridicule de pousser une belle moto à une telle vitesse? Certes oui, mais ça nous a permis de confirmer les qualités du châssis: la Fat Boy file, impériale, vissée sur un rail! Par contre, le simple disque avant aura fort à faire pour ralentir le bolide. Quel monde de différence avec les 2 disques d’une Touring. Freiner la Fat Boy demande une réelle poigne et, si les décélérations sont correctes, elles ne représentent pas ce qui se fait de mieux dans ce domaine… Pour ceux qui en veulent plus, comme un kit Screamin’Eagle de 110ci (1800cc!) qui fait passer le couple de 120 Nm à 3.300 tr/min à 156 Nm à 3.000 tr/min, nul doute qu’ils devront sérieusement repenser le système de freinage, et ne jamais perdre de vue la dérisoire garde au sol de la Fat Boy. Car si le comportement de celle-ci reste toujours sain, il ne suffira pas de se pencher un peu plus pour s'inscrire dans un virage abordé avec un peu trop d’optimisme… Mais nous nous éloignons un peu de l’usage pour lequel est pensée la Fat Boy. C’est sa faute aussi, avec ce moteur sympa et cette partie cycle sans aucun vice. Si on a énormément de plaisir à "cruiser", on a parfois envie de montrer aux autres de quoi peut être capable une grosse Harley, qui vaut bien mieux que l’image toute faite qu’en ont beaucoup de motards qui n’y ont jamais goûté… © Bruno Wouters
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