C’est l’un des arguments des opposants à la mobilité électrique : selon eux, les voitures électriques sont plus lourdes, ce qui entraînerait une usure accrue des pneus et des freins, et donc une hausse des émissions de particules nocives. Un nouveau rapport d’EIT Urban Mobility, réalisé en collaboration avec Transport for London et la Greater London Authority, présente des conclusions basées sur des données provenant de Londres, Barcelone et Milan.
Que sont les émissions non liées à l’échappement ?
Avant d’examiner les résultats, posons le contexte ! Cette étude se concentre sur les émissions non liées à l’échappement (non-exhaust emissions, ou NEE), c’est-à-dire les particules fines issues de l’usure des freins, des pneus et de la chaussée, indépendamment du carburant utilisé. Ces émissions concernent donc également les véhicules électriques. Elles polluent non seulement l’air et notre organisme, mais aussi l’eau et les sols…
Pour rappel, l’exposition aux particules fines entraine de graves effets sur la santé, contribuant à des maladies chroniques, des dommages à l’ADN et un risque de décès prématuré. Les particules les plus fines (les fameuses PM2.5) sont particulièrement dangereuses, car elles pénètrent plus facilement dans les tissus pulmonaires et le système sanguin.
Même si l’usure des freins est la principale source de particules, seulement 40 % d’entre elles relèvent de la taille PM2.5, la plus nocive. Pour les émissions issues de l’échappement, ce chiffre grimpe à 95 %. En ce qui concerne les pneus, on est à 70 %.
Le paradoxe des VE : des résultats meilleurs… et pires à la fois !
L’étude met en lumière un fait étonnant concernant les voitures électriques : d’un côté, elles sont plus propres car elles ne rejettent pas de gaz d’échappement et utilisent le freinage régénératif, ce qui réduit les particules de freinage de 83 %. Les véhicules hybrides bénéficient également de cet atout (de 10 à 48 %, et jusqu’à 66 % pour les hybrides rechargeables).
Mais les VE sont en moyenne 20 % plus lourds que leurs équivalents thermiques, ce qui a donc des conséquences négatives, comme une usure accélérée des pneus et de la chaussée. Toutefois, et contrairement à ce prétendent les détracteurs de l’électrique, ces dernières émissions n’ont pas de graves conséquences : seule une fraction des particules issues de l’usure des pneus (2 à 5 %) se retrouve dans l’air, et celles provenant du revêtement routier sont encore moins présentes !
Globalement, les émissions supplémentaires dues à l’usure des pneus et du bitume sont compensées par la réduction des émissions de freinage et l’absence d’échappement. L’étude conclut donc que l’électrification du parc automobile a un effet positif, notamment parce que les risques directs pour la santé liés aux particules issues des freins, pneus et de la chaussée sont bien moindres que ceux des gaz d’échappement.
Quelles recommandations dans le rapport ?
Le rapport propose également plusieurs mesures, à appliquer à différents niveaux, pour améliorer le bilan.
1. Encourager une mobilité urbaine plus durable
La mesure la plus efficace ? Moins de voitures, plus de marche et de vélo. Selon le rapport, passer de la voiture individuelle aux transports en commun ou à la mobilité active peut avoir un effet cinq fois supérieur à la seule électrification du parc. Certes, les bus émettent 3 à 5 fois plus de particules fines que les voitures particulières, à cause de leur poids et de leur freinage plus intense, mais ils transportent des dizaines de passagers, ce qui les rend plus durables.
2. Promouvoir les véhicules électriques, mais avec discernement
Même si les voitures électriques ne règlent pas le problème des NEE, elles réduisent fortement l’usure des freins et éliminent les émissions d’échappement. Il faut en parallèle investir dans des VE plus légers et compacts, ainsi que dans des matériaux plus résistants à l’usure.
3. Accélérer l’introduction de nouvelles normes européennes
Dès 2026, des normes européennes s’appliqueront aux émissions de particules liées au freinage (Euro 7), suivies en 2028 par des exigences sur l’usure des pneus. Ces normes ne concerneront toutefois que les nouveaux véhicules. Une adoption plus rapide des technologies propres pourrait avoir un impact significatif sur les émissions.
4. Améliorer l’infrastructure
Une chaussée en mauvais état accélère l’usure. Des routes bien entretenues, des limitations de vitesse intelligentes et une gestion adaptée de la circulation peuvent réduire drastiquement les émissions de particules fines !
5. Sensibiliser citoyens et décideurs politiques
Les émissions non liées à l’échappement sont invisibles, mais bien réelles. Des campagnes de sensibilisation, la collecte de données fiables et une réglementation claire sont essentielles pour placer le problème à l’agenda et permettre des choix éclairés, tant au niveau privé que public.
En conclusion
Le véhicule électrique n’est pas une solution miracle, mais ce n’est pas non plus un ennemi. La solution ? Elle est multiple et composée de progrès technologiques, de changements de comportement et de politiques urbaines efficaces. Moins de circulation, des véhicules plus légers, des matériaux durables et une prise de conscience de l’impact environnemental de chaque kilomètre parcouru : voilà ce qui fera réellement la différence. Et pour votre santé mentale et physique, à court comme à long terme, marcher ou pédaler reste le meilleur choix !