Bruno Wouters

11 OCT 2011

Opportunité et prétextes! (Deuxième partie)

Suite de notre balade qui nous a conduit place Surian dans le vieux Vence, à la Galerie DS. Cette galerie dédiée aux artistes contemporains se partage entre Bruxelles et Vence, tandis que Phil Billen, notre artiste, s'il expose régulièrement dans la galerie voisine, officie dans l'Atelier B, où il crée des œuvres inspirées de la mer, souvent avec des matériaux bruts. Nombreuses de ses sculptures sont d'ailleurs taillées dans de vieilles tôles de carrosserie, bien assez pour susciter notre intérêt!

 Billen est un artiste heureux, entre mer et montagne qu'il parcourt à motocyclette, et son œuvre, joyeuse, s'en ressent. La Wind avait longé la côte pour joindre Vence, nous choisissons de découvrir l'arrière-pays niçois pour rejoindre l'Italie. Nous sortons de Vence par la D2210 en direction de Gattières, descendons sur Carros pour traverser le Var, remontons par la D444 sur Aspremont, puis Tourette, Contes, L'Escarène, franchissons par la D2204 le col de Braus, continuons vers Sospel d'où part la D2566 qui redescend vers Menton. Du pur bonheur avec la Wind dont le châssis incisif et précis fait merveille sur ces petites routes virevolteuses à souhait. Certes, le petit TCe 100 ne peut donner que ce qu'il possède, mais il offre bien assez pour s'amuser d'un virage à l'autre. Le châssis, revu par Renault Sport, bénéficie de réglages particulièrement convaincants et la Wind avale les épingles bien à plat, sans se vautrer sur son train avant qui avale les virages avec une gourmandise réjouissante, tandis que le freinage allie un bon feeling à une puissance de décélération tout-à-fait suffisante. Cette wind Gordini, même dans sa définition 100 ch, rend décidément la route particulièrement attractive, surtout lorsqu'elle se met à tourner!

Le prétexte "arts ménagers"

Mais il est temps de penser à notre quatrième prétexte qui nous conduit déjà sur le chemin du retour, avec un passage à l'officine Alessi nichée à la pointe nord du lac d'Orta. L'occasion de se plonger dans l'univers du design italien en contemplant ces petites merveilles d'art appliqué produites par la marque italienne depuis 1921. Le musée, conçu par Alessandro Mendini et inauguré au printemps 1998, ne se visite que sur rendez-vous, mais vous verrez dans l'enceinte de l'usine nombre de Panda Alessi aux couleurs particulièrement flashy, fruits d'une collaboration étroite entre Alessi et le géant italien, fin 2004. Notre Wind Gordini ne s'en laisse pas conter avec ses mythiques bandes blanches barrant capot et coffre, et piaffe d'impatience à la perspective de longer le lac Majeur par sa rive ouest jusqu'à Locarno, une occasion de s'émerveiller de la splendeur des paysages des lacs italiens,  avant de traverser une nouvelle fois la Suisse et faire escale à Mulhouse. C'est dans cette cité alsacienne que nous attend un dernier prétexte: la Cité de l'Automobile qui abrite l'incroyable collection Schlumpf.

Le prétexte "boulons et rondelles"

Incroyable collection qui compte plus de quatre cents voitures exposées, dont plus de cent cinquante Bugatti et non des moindres, puisqu'on y retrouve les plus rares: la seule Type 28, deux des six Royale, sans omettre la reconstruction de la Royale du magnat Armand Esders, une ligne splendide magnifiée par l'absence de phares; Monsieur Esders n'aimait pas rouler de nuit! Incroyable histoire aussi, que cette collection voulue par les frères Schlumpf, dès 1960: la collection s'enrichit en une quinzaine d'années de cinq cent soixante voitures, à une époque où ce genre de passe-temps n'intéressait pas grand monde. Fritz, le cadet mais le plus entreprenant des deux frères, rêvera très vite de son musée qui s'étendra sur près de vingt mille mètres carrés dans d'anciens bâtiments industriels leur appartenant. Rien ne sera trop beau et Fritz fera même reproduire huit cent quarante cinq copies conformes des réverbères ornant le pont Alexandre III à Paris pour éclairer les allées du musée! Passionné de compétition, Fritz Schlumpf participera pendant une quinzaine d'années à des courses de côtes au volant de sa Bugatti 35B à compresseur. Il achètera de nombreuses voitures de course, parfois directement à leurs pilotes ou aux constructeurs: c'est ainsi qu'il parviendra à persuader Mercedes de lui céder deux flèches d'argent d'avant guerre, et qu'il obtiendra d'Amédée Gordini plus d'une quinzaine de voitures!

Un petit dernier pour la route

Le personnage, controversé, verra son rêve s'écrouler en 1976, en même temps que l'empire industriel des deux frères, avant même de pouvoir ouvrir son musée au public. Ce sera la fuite en Suisse, l'occupation des usines et du musée par les syndicats, la vente de la collection pour couvrir les créances à un consortium semi-public qui réunit les quarante quatre millions de francs français nécessaires au rachat et l'ouverture au public en juillet 1982 du musée, qui devient en 2006 la Cité de l'Automobile, Musée National – Collection Schlumpf. Une collection sans doute sans équivalent, à (re)découvrir absolument! L'heure du retour sonne hélas, mais nous nous ménageons une dernière petite récréation après Strasbourg: nous quittons l'autoroute vers Hagenau, pour parcourir la D919, une très belle route sillonnant la campagne. Celle-ci nous ramènera sur l'autoroute à hauteur de Sarre-Union, non sans avoir traversé le village de Wingen-Sur-Moder, siège de la Verrerie d'Alsace fondée en 1921 (décidément!) par René Lalique. Le village accueille aussi depuis juillet de cette année le Musée Lalique, qui expose sur neuf cents mètres carrés plus de cinq cent cinquante pièces représentant les multiples facettes de l'œuvre de cet artiste exceptionnel.

Le temps des conclusions

Au terme de cette opportunité alimentée de nombreux prétextes, nous aurons parcouru plus de trois mille kilomètres au volant de la Wind Gordini, bien assez pour s'y attacher! Son style ne nous convainc que modérément, ce qui ne l'empêche pas de se tailler un fameux succès d'estime, au vu du nombre de regards se retournant sur son passage: elle fut même photographiée par des touristes à Monaco, pourtant peu avare en véhicules spectaculaires. Son petit moteur ne constitua à aucun moment une punition, incitant plutôt à une conduite paisible et décontractée, en phase avec la densité de circulation et les limitations de vitesse. Son toit ouvrant pivotant très astucieux ne demande qu'à s'ouvrir, transformant la Wind en cabriolet en moins de douze secondes et préservant intégralement la contenance du coffre, particulièrement logeable avec ses 270 litres de capacité, à comparer aux 230 litres que propose la Twingo normale. Son châssis, nous l'avons vu plus haut, se régale des routes les plus tourmentées, du coup le conducteur aussi! Des critiques? Oui, mais guère rédhibitoires: des sièges plus jolis que réellement confortables, mais qui n'empêchent toutefois pas de réaliser de longues étapes, une finition qui ne propose rien d'exceptionnel, hormis quelques spécificités "Gordini", ou un équipement relativement limité. Pas de quoi gâcher le plaisir distillé par une petite voiture bien sympathique et relativement économique à l'usage, pour qui peut se contenter d'une stricte deux places!

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