Bruno Wouters

30 AOÛ 2010

Pour qui? Pour quoi?

Dernier opus de la famille V-Rod, la Muscle est apparue fin 2008 pour le millésime 2009. La ligne évolue plus qu’à l’habitude, avec un faux réservoir (en réalité la boîte à air) complètement redessiné dans un style plus anguleux et affublé de larges prises d’air grillagées, ainsi qu'un garde-boue arrière tronqué recouvrant la roue de 240 (nous y reviendrons!) et l’ensemble feu arrière et clignoteurs.

 L’échappement change aussi, avec deux longues sorties au profil carré courant de part et d’autre d’une moto tout en longueur. La Muscle partage avec la V-Rod et la Night-Rod l’énorme pneu de 240, soit dit en passant une erreur grossière en terme d’agrément de conduite, le moteur révolution, un V-twin à 60° de 1.250cc refroidi par eau équipé de doubles arbres à cames en tête et de 4 soupapes par cylindre, d’une boîte cinq, d’un embrayage antidribble. S'y ajoutent les freins Brembo avec ABS et le cadre périmétrique en acier hydroformé, qui leur donne à chacune un profil long et bas, inspiré des courses de drag. Le moteur développe 123 ch à 8.000 trs/min et 115 Nm de couple à 6.500 trs/min. Le moteur des V-Rod, conçu il y a quelques années pour la compétition, se montre autrement plus performant que les twins culbutés et refroidis par air qui firent et font encore la réputation de la marque américaine.

Quel moteur!

Puissant et coupleux, rempli dès 2.000 trs/min et jusqu’à la zone rouge, ce moteur plein d’agrément ne pèche que par un poids et un encombrement conséquent. Les Harley ne brillent pas par leur légèreté, la Muscle ne fait pas exception à la règle, avec 292 kg à sec. La boîte cinq se manie agréablement, et l’antidribble enlève toute angoisse lors de rétrogradages musclés. La transmission finale par courroie, une habitude chez Harley, montre ici encore toutes ses qualités en se faisant complètement oublier. Le freinage confié à Brembo ne laisse pas un souvenir impérissable. Manquant de mordant, il suffit à freiner la masse de la moto, mais sans panache. L’ABS de série, invisible au regard, Harley y a scrupuleusement veillé, ne fait guère preuve de transparence en se déclenchant, avec des à-coups bien sentis dans les commandes et dans le freinage. Nous sommes loin des canons actuels rencontrés chez les Japonais ou BMW…

240!!

Les débattements de suspension réduits (102mm à l’avant, 74 à l’arrière) n’handicapent pas le confort, somme toute fort correct, hormis pour la fourche qui talonne assez facilement. La géométrie radicale de la V-Rod Muscle (1.700 mm d’empattement, angle de chasse de 34°) génère bien évidemment une moto très longue et relativement peu maniable par rapport à ce que nous connaissons habituellement. Ce choix n’est pas critiquable en soi, donnant un comportement qui, s’il est typé, ne se montre pas désagréable pour autant. Ce qui gâte tout, c’est cette volonté obsessionnelle du constructeur américain d’imposer un pneu arrière de 240 de large, une hérésie en matière de comportement et d’agrément routier, ainsi qu’une position de conduite épouvantable, induite par un guidon et des commandes aux pieds avancées bien trop en avant.

Quel dommage!

A moins de posséder la stature d’un robuste viking, chacun regrettera d’avoir les jambes et les bras dix centimètres trop courts pour pouvoir atteindre confortablement guidon et repose-pieds. Quel gâchis! Il est impossible de se sentir bien au guidon de la V-Rod Muscle. La maniabilité à basse vitesse est inexistante. On se sent gauche, mal à l’aise, et l’énorme gommard de 240 fige complètement la moto qui ne montre ses capacités à virer que dans les larges courbes autoroutières. Dans tous les autres cas de figure, la Muscle fait montre d’un tempérament pataud, pire, désagréable et frustrant. Voilà une moto qui possède un moteur attachant, plein de tempérament, qui possède un châssis qu’on a connu plaisant et efficace sur les défuntes Night-Rod et Street-Rod, mais qui ici, par le choix contestable d’un pneu grotesque et d’une position de conduite proche du supplice, fait complètement l’impasse sur le plaisir de conduire. Quel gâchis !

Les mystères du marketing

Pour qui cette moto est-elle destinée? Qui donc peut trouver son plaisir à essayer de s’agripper à un guidon et à des repose-pieds aussi mal disposés? Qui trouve plaisir à essayer de mettre sur l’angle ce gommard de 240mm? Pas nous en tous cas! Nous n’imaginons pas qu’une moto ne puisse apporter du plaisir et du plaisir, nous n’en avons ressenti à aucun moment au guidon de la Muscle. Nous supposons pourtant que Harley sait ce qu’il fait, pour avoir supprimé de son catalogue la Night-Rod, pourtant très spectaculaire, mais attachante et tellement plaisante à conduire avec son pneu de 180 et ses repose-pieds placés de manière plus orthodoxe. Il est vrai que lorsqu’on discute avec un dealer des goûts et des demandes des clients, qui raffolent des pneus les plus larges (certains amateurs réclament du 300 !) et des commandes les plus inconfortables, on comprend mieux pourquoi HD a zappé de sa gamme des modèles parmi les meilleurs, comme par exemple la défunte Dyna Super Glide.

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