Bruno Wouters

2 DÉC 2010

Pour plaire au plus grand nombre?

Dans un marché morose, la catégorie reine reste le roadster avec la Kawasaki Z750 en meilleure vente. Pas étonnant que d'autres constructeurs veuillent sortir du créneau "600cc" pour venir concurrencer une Z plus convaincante grâce à sa cylindrée légèrement supérieure. Suzuki vient de présenter à Cologne sa GSR 750, mais Yamaha fut plus prompt et plus ambitieux avec sa FZ8, déclinée aussi en Fazer 8, toutes deux issues des FZ1.

Cette apparition tardive de la première vraie concurrente à la Kawasaki sonne le glas de la gamme FZ6, remplacée par la XJ6, plus abordable, laissant ainsi la place à la FZ8, plus accessible et raisonnable que la FZ1. Ceci dit, il faudra un œil exercé et expert pour différencier franchement la production de la marque aux trois diapasons, la FZ8 puisant généreusement dans les gênes de la FZ1, trop sans doute que pour pouvoir se forger une vraie identité. Nous sommes loin de l'audace dont le constructeur fit souvent preuve en défrichant de nouvelles pistes. Rappelez-vous la XT500, la TDR250, la 1000GTS, la V-Max, le T-Max, pour n'en citer que quelques-uns.

Dans le rang

La FZ8, à mille lieues de ses excentriques ancêtres a visiblement reçu pour consigne de ne déplaire à personne. Résultat, une moto sympathique, certes, mais guère originale. La Fazer arbore en effet un carénage tête de fourche nanti de deux phares dont le regard ne laissera pas un souvenir impérissable, pas plus que la ligne générale, trop convenue et proche d'autres modèles. Est-ce vraiment le prix à payer pour plaire au plus grand nombre? Dérivée de la FZ1, la FZ8 en reprend le châssis en aluminium. Le réservoir et la selle redessinés ainsi que la disposition du guidon et des repose-pieds modifient légèrement la position de conduite vers plus d'intuitivité, avec un réservoir plus étroit qui perd un litre au passage. Le châssis reste identique, mais les suspensions sont simplifiées, économies obligent.

Pas de surprises

Au niveau mécanique, le bloc FZ1 voit son alésage réduit de 77 à 68 mm, ramenant la cylindrée à 779cc, tandis que la culasse perd une soupape par cylindre, se contentant plus classiquement de seize soupapes au total. Le moteur développe maintenant 106 ch à 10.000 tr/min., tandis que le couple de 82Nm culmine à 8.000 tr/min. Mais voyons plutôt ce qu'il en est sur la route. Pas de surprise au guidon, la Fazer 8 se profile immédiatement comme une moto intuitive. On s'y sent à l'aise, comme si on l'avait toujours connue. Le moteur, d'une incroyable souplesse, accepte sans rechigner de tourner sur le ralenti, et on arrive à reprendre en sixième à 30 km/h, pour peu qu'on enroule avec délicatesse. Le moteur montre une relative vigueur vers 2 ou 3.000 tr/min, accuse un creux vers 4-5.000 tr/min, avant de reprendre avec plus de vigueur à partir de 6.500 tr/min jusqu'à la zone rouge. Un comportement typique d'un quatre cylindre de moyenne cylindrée. Facile, creux en bas, hargneux dans les tours.

Trop de cylindres tue le cylindre…

Hélas, en usage de tous les jours, on croise en sixième à 90 un petit 4.000 tr/min, à 120 à un gros 5.000 tr/min soit la plage où le moteur montre le moins d'empressement et de caractère. Résultat, il faudra travailler du sélecteur et rentrer quelques rapports pour rendre la moto plus réactive à la poignée de gaz, alors qu'en usage courant, nous aimerions pouvoir profiter d'un couple plus présent. L'éternelle querelle des pro-quatre cylindres face aux pro-bicylindres… Heureusement, la boîte et l'embrayage se montrent à la hauteur, et c'est sans regret qu'on en jouera plus souvent qu'à notre tour! Rien à dire non plus au plan du freinage, progressif, rassurant, avec juste ce qu'il faut de mordant, et une puissance toujours suffisante, tempérée dans notre cas par l'ABS.

Vie tranquille ou grand frisson?

Les suspensions simplifiées se montrent suffisantes à l'usage. La suspension avant n'appelle aucune remarque, mais l'amortisseur arrière, perfectible a un peu de mal à absorber les petites irrégularités tout en pompant à grande vitesse. Rien de dramatique toutefois en usage normal. La FZ8 n'est pas une R1 et ne se destine pas à l'attaque à outrance. Dans une catégorie où le prix reste un argument de poids, le choix de Yamaha se respecte. La Fazer 8, plus fonctionnelle avec son carénage, offre une protection correcte au vent, sans plus. La pression du vent sur la tête et les épaules reste malgré tout présente, malgré une position de conduite parfaite et une selle plutôt confortable. Au final, Yamaha nous propose pour 9.990€ (Fazer 8 ABS ; 8.888€ pour la FZ8N) une moto facile à vivre au quotidien, capable de répondre à différents usagers en s'acquittant honnêtement de sa tache, mais sans panache particulier. Une brave fille certes, mais pas une bombe sur laquelle tout le monde se retourne...

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