François Piette

23 JUN 2006

Gromono, le retour

Yamaha a ceci de sympa qu’ils ne se contentent pas de nous montrer des beaux protos dans les salons : ils les font descendre dans la rue, pour notre plus grand bonheur ! Renouvelant le coup de la MT-01, Yamaha présentait il y a quelques mois la version « civile » du très excitant prototype présenté au salon de Paris 2003. Certes la MT-03 de « commerce » y laisse quelques appâts, comme l’éclairage par diodes, le bras oscillant perforé, la transmission par courroie et quelques belles pièces inox dont les pots, mais l’essentiel du proto se retrouve sur le modèle de série.

Originale interprétation de ce que pourrait être un mix supermotard-roadster, la MT-03 reprend le bloc éprouvé des 660XT dans un châssis ramassé et très dessiné. La position de conduite ne surprendra pas les amateurs de supermotard, hauteur de selle mise à part. Les pieds touchent en effet facilement le sol, la moto reste accessible au plus grand nombre. On se retrouve installé très en avant, avec cette sensation d’être presque assis au-dessus de la roue. Le guidon très large rassure, mais n’est pas assez cintré à notre goût, et peut fatiguer les poignets à la longue. Equilibre des masses Le châssis de la MT-03 témoigne d’une réelle recherche d’équilibre des masses. Tout a été pensé pour recentrer le poids sur l’avant : réservoir d’huile dans le sabot moteur, amortisseur arrière sur le flanc du moteur, batterie sur le réservoir d’essence. Résultat, une moto remarquablement équilibrée et qui paraît bien plus légère qu’elle ne l’est en réalité (pas loin de 200 kg tous pleins faits, 176 kg à sec). Position de conduite sympa et rassurante, partie cycle équilibrée dès les premiers tours de roues, le rythme s’accélère et la moto tient ses promesses : saine et rigoureuse dans tous les cas de figure. Que vous soyez en train de slalomer dans la jungle urbaine, ou de vous éclater sur les petites routes « qui vont bien » de nos Ardennes, ou que vous vous agrippiez à son guidon à fond de cinq sur l’autoroute, jamais vous ne la prendrez en défaut. Que du bonheur, sauf sur autoroute pour laquelle elle n’est visiblement pas destinée (ou alors à 120 km/h, et encore, pas trop longtemps : l’air est définitivement trop épais…). Les chevaux ? Peu nombreux mais bien présents ! Et le moteur ? La MT-03 reprend le bloc 660cc qui équipe les XT, légèrement revu. Il perd d’ailleurs 3 ch pour n’en garder que 45. On aimerait disposer d’un peu plus de cavalerie tellement le châssis témoigne de sa bonne santé. C’est terrible : nous en voulons toujours plus ! Pourtant, à bien y réfléchir, ce mono est très agréable à l’usage et généreux en sensations. On ne s’embête jamais au guidon de la MT et le moteur reprend vivement à tous les régimes, rendant la conduite jouissive. On est loin des sensations d’un quatre cylindres, mais le plaisir est présent dès les plus basses rotations, dès les premiers tours de roues. On a plaisir à passer les vitesses sur le couple, à profiter de la remarquable agilité de l’ensemble et à enrouler en douceur. Plaisir et sensations sont au rendez-vous, sans atteindre des vitesses vertigineuses. Et si c’était ça, l’avenir de la moto ? Du sens… A l’heure où la vitesse est tellement politiquement incorrecte et où, à contrario, tous les constructeurs – Yamaha compris – poussent les motards à la folie avec des missiles sur roues qui n’auraient pas dépareillé un Grand Prix d’il y a quelques années, il est réjouissant de voir apparaître d’autres façons d’appréhender la moto et de se donner beaucoup de plaisir en toute légalité. Yamaha nous le rappelle ici avec une moto qui ne dépasse pas les 170 km/h, vitesse que vous n’aurez de toutes façons aucune envie d’atteindre pour le plus grand bien de votre portefeuille… Il est difficile d’admettre qu’on puisse aujourd’hui se contenter d’une telle moto. Pourtant les conditions de circulation se sont tellement dégradées ces dernières années (densité du trafic, état des routes, aménagements dangereux pour les deux-roues, répression policière,…) que de telles motos prennent tout leur sens, hormis sans doute pour les voyageurs au long cours. Sûr que dans ce cas, un peu plus d’allonge, de protection et de bagagerie sont nécessaires, mais la MT-03 n’est pas pensée pour ce public. Sa conception mixte lui permet de ratisser parmi les amateurs de trails, de supermotard et de roadsters avec une offre raisonnable, mais loin d’être tristounette. Vive et agile, elle se conduit avec plaisir. Les freins ne sont jamais pris en défaut, hormis peut-être l’arrière, trop puissant, et qui a tendance à bloquer un peu facilement. Les freins avant, hérités de la FZ6, sont eux plus que convaincants. Le tableau de bord, à l’image de toute la moto, est joliment dessiné, soigné et minimaliste. C’était trop beau… La finition de cette moto fabriquée en Italie est très flatteuse et simple à la fois. Notre moto d’essai avait troqué ses noirs tromblons d’origine contre une ligne Akrapovic de couleur alu. Un peu inquiet au souvenir du bruit de tonnerre émis par une MT-01 ainsi équipée, nous avons été rassuré en démarrant notre MT-03. Celle-ci émet un ronflement flatteur et plaisant à l’usage, mais dans des limites vraiment raisonnables : pas de crainte à subir les foudres de la maréchaussée ou de se sentir devenir sourd à la fin d’une balade ! Hormis une puissance jugée un peu « juste », mais toutefois largement suffisante pour ne pas s’ennuyer au guidon de cette moto intelligente, équilibrée et valorisante, nous ne trouvons à la Yamaha MT-03 qu’un seul défaut, mais de taille : son prix ! 7290 € pour un mono, aussi attractif qu’il soit, c’est beaucoup : 100 € plus cher qu’une Monster 620 Dark Single Disc, 600 € moins cher qu’un sportster HD 883, 90 € plus cher qu’une CBF 600 N ABS, le même prix qu’une SV 650 S, 200 € de moins qu’une FZ6. Difficile de se considérer raisonnable financièrement en se contentant de ce beau mono, et c’est dommage. Notre MT-03 était équipée, en plus des silencieux Akrapovic, de différents accessoires tels que : protège-mains, écopes de radiateur, sabot moteur ou capot de selle… Nous n’oserons pas vous écrire le montant total de l’addition... © Bruno Wouters
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